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Protection des aphorismes par le droit d'auteur

Affaires - Droit économique
02/06/2016
L'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle protège par le droit d'auteur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales. À ce titre, les aphorismes, qui peuvent se définir comme un trait d'esprit présentant un caractère paradoxal, descriptif ou sentenciel, banal ou profond, sont protégeables au titre du droit d'auteur à condition que soit caractérisée leur originalité portant l'empreinte de la personnalité de leur auteur, laquelle peut résider dans la combinaison originale d'éléments connus. Telle est l'une des précisions apportées par le TGI de Paris dans un jugement du 13 mai 2016.

Les juges parisiens retiennent qu'en l'espèce, l'aphorisme "Corbillard - Automobile à l'arrêt, moteur tournant, c'est-à-dire au point mort" constitue une suite de groupes non verbaux concis, semblant se contredire "à l'arrêt" et "moteur tournant", évoquant de façon décalée empreinte d'une certaine dérision le thème de la mort en utilisant le registre lexical de l'automobile "moteur, automobile, point mort". Ces éléments caractérisent les choix arbitraires de l'auteur et un effort de création rendant ledit aphorisme protégeable sur le fondement du droit d'auteur.

Il en est de même de l'aphorisme "Eve - Le pouvoir magique de ce prénom évocateur tient moins à son histoire qu'au fait qu'on ne lui connaissait pas de belle-famille" qui, dans une longue phrase, opère un balancement en se référant, tout d'abord, à la dimension spirituelle de la première femme de l'humanité avant d'utiliser un vocable profane, celui de la belle-famille, pour évoquer de manière singulière et plaisante l'absence d'ascendance du premier couple sur terre. Ces éléments, qui ne se bornent pas à énoncer une vérité fondamentale, caractérisent des choix arbitraires portant l'empreinte de la personnalité de son auteur.

Mais le TGI déboute l'auteur de ces aphorismes de sa demande en contrefaçon à l'encontre de l'auteur d'un ouvrage "humoristique" qui contient, notamment, les deux interrogations suivantes :
- "Un corbillard doit-il rester au point mort ?" ;
- "Est-ce qu'Adam a apprécié à sa juste valeur le fait de ne pas avoir de belle-mère ?".

Pour le TGI, les citations arguées de contrefaçon ne se présentent pas sous la forme d'aphorismes mais de questions courtes, dont la composition est très différente des aphorismes revendiqués et ne reprennent pas la combinaison des éléments caractéristiques fondant l'originalité de ces derniers.
Source : Actualités du droit