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Mise en scène d'un opéra : sur l'atteinte au droit moral des auteurs de l'œuvre première

Affaires - Immatériel
05/07/2017
Une cour d'appel ne peut retenir que la mise en scène d'un opéra porte atteinte au droit moral des auteurs de l'œuvre première alors qu'elle a relevé que cette mise en scène ne modifiait ni les dialogues, absents dans cette partie des œuvres préexistantes, ni la musique, allant même jusqu'à reprendre, avec les chants religieux, le son du couperet de la guillotine qui scande, dans l'opéra d'origine, chaque disparition, et que la fin de l'histoire, telle que mise en scène, respectait les thèmes de l'espérance, du martyr, de la grâce et du transfert de la grâce et de la communion des saints, chers aux auteurs de l'œuvre première.
 
En outre, pour justifier la cessation de publication et l'édition de vidéogrammes d'un opéra et l'interdiction de sa télédiffusion, le juge doit rechercher le juste équilibre entre la liberté de création du metteur en scène et la protection du droit moral du compositeur et de l'auteur du livret.

Tels sont les enseignements d'un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 22 juin 2017. Elle censure, de la sorte, l'arrêt d'appel (CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 13 oct. 2015, n° 12/04771) au visa de l'article L. 113-4 du Code de la propriété intellectuelle qui, pour dire que la mise en scène litigieuse réalise une atteinte au droit moral dont sont investis les ayants-droit des auteurs de l'œuvre première, a retenu qu'elle procède à une modification profonde de la scène finale qui confère aux dialogues qui la précèdent tout leur sens, Blanche rejoignant ses sœurs pour accomplir avec elles, dans la même confiance et la même espérance, le vœu de martyr prononcé, malgré elle, et constitue l'apothéose du récit, et que, partant, loin d'être l'expression d'une interprétation des œuvres des auteurs, elle en modifie la signification et en dénature l'esprit.

La Haute juridiction censure également l'arrêt d'appel au visa de l'article 10 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme en ce qu'il a ordonné aux sociétés qui ont coproduit une captation audiovisuelle d'une représentation de l'œuvre, sous astreinte, de prendre toute mesure pour que cesser immédiatement et en tous pays la publication dans le commerce ou plus généralement l'édition, y compris sur les réseaux de communication au public en ligne, du vidéogramme litigieux et de diffuser ou autoriser la télédiffusion de celui-ci au sein de programmes de télévision et en tous pays.

Par Vincent Téchené
 
 
Source : Actualités du droit