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Sécuriser le bail commercial : le piège des délais conventionnels trop courts

Affaires - Commercial
Immobilier - Immobilier
15/12/2025

Dans le cadre de la gestion des baux commerciaux, la clause résolutoire est un mécanisme essentiel. Elle permet au bailleur de mettre fin au contrat de manière automatique en cas de manquement du locataire à ses obligations. Cependant, la validité de cette clause est strictement encadrée par le Code de commerce. Une erreur de rédaction, notamment sur le délai accordé au locataire, peut entraîner des conséquences radicales pour le bailleur.

L’article L. 145-41 du Code de commerce prévoit que la clause résolutoire ne produit d'effet qu’un mois après un commandement de payer resté infructueux. Ce délai d'un mois est d'ordre public. Toute stipulation contractuelle qui viendrait réduire ce délai est contraire à la loi. La jurisprudence récente confirme que la sanction de cette irrégularité a évolué de manière significative avec l'entrée en vigueur de la loi Pinel du 18 juin 2014.

Une sanction globale et imprescriptible

Auparavant, une clause prévoyant un délai inférieur à un mois, par exemple 15 jours, était sanctionnée par la nullité. Aujourd’hui, selon l’article L. 145-15 du Code de commerce, ces clauses sont réputées non écrites. Ce changement de terminologie juridique est crucial. Contrairement à la nullité, qui s'éteint par la prescription après cinq ans, l’action visant à faire réputer une clause non écrite est imprescriptible. Elle peut être invoquée par le locataire à tout moment pendant la durée du bail.

La Cour de cassation adopte une position ferme : lorsqu’une clause résolutoire mentionne un délai de 15 jours, c’est la totalité de la clause qui est réputée non écrite. Le juge ne peut pas diviser la clause pour ne supprimer que le délai illicite, ni substituer le délai légal d'un mois au délai contractuel erroné. Pour le bailleur, cela signifie que le bénéfice de la résiliation de plein droit disparaît totalement pour le litige concerné.

L'application de la loi dans le temps

La question de l'application de la loi Pinel aux baux signés avant 2014 a été tranchée par la jurisprudence. La loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques nées avant son entrée en vigueur, dès lors qu'elles ne sont pas définitivement réalisées. Ainsi, si une instance est en cours pour faire constater l'acquisition de la clause résolutoire, la validité de celle-ci s'apprécie au regard du droit actuel.

Même si le commandement de payer délivré par l'huissier mentionnait un délai d'un mois, la clause du bail prévoyant 15 jours demeure viciée. Le respect du délai légal dans l'acte de procédure ne couvre pas l'irrégularité contenue dans le contrat initial. Tant qu'une décision de justice ayant force de chose jugée n'a pas été rendue, le bail est considéré comme toujours en cours et la clause peut être écartée.

L'absence d'exécution par le locataire dans le délai imparti n'entraîne pas automatiquement la fin du bail. Le juge conserve le pouvoir d'accorder des délais de paiement et de suspendre les effets de la clause. Si la clause est déclarée non écrite, le bailleur perd un avantage procédural majeur et doit alors se tourner vers une demande de résiliation judiciaire, soumise à l'appréciation souveraine du tribunal. Une vérification rigoureuse de la conformité des baux anciens est donc impérative pour éviter une fragilisation du titre d'occupation.